Arrivé à Ceuta
Mercredi 27 octobre
La lueur de l'aube n'est pas encore perceptible que nous sommes déjà prêts
pour l'évènement de la journée : le lever du soleil sur Ayers Rock. Seul petit
problème, nous sommes plusieurs milliers au rendez-vous. Bus, 4x4,
pick-up, vans, camper-vans, motos, simples voitures, une foule immense s'est
réunie pour assister au spectacle. On dirait que tous les touristes d'Australie
se sont ralliés ici en masse. Difficile de trouver un endroit
"tranquille" pour
observer le moment si attendu. Finalement on se trouve une petite place et on
s'installe sur le toit de la voiture. D'un côté Uluru, masse sombre encore
plongée dans la pénombre, de l'autre les rayons du soleil commencent percer.
Des milliers de flash crépitent pour immortaliser ce souvenir. Sous l'action de
la lumière naissante, de marron foncé, l'imposant monolithe vire au rouge
sombre puis rouge sang. Les reliefs se dessinent et s'accentuent jusqu'à
deviner creux, aspérités, trous et bosses. Le rocher finit par adopter sa couleur
ocre si caractéristique. Sa beauté totalement révélée inspire une émotion
magique qui résiste difficilement au brouhaha et au mouvement de la foule.
Très vite c'est le branle-bas de combat, tous les véhicules redémarrent et
déguerpissent dans un boucan d'enfer bien loin de la sérénité de l'instant
présent. Nous aussi nous quittons les lieux, partagés entre les sentiments
d'admiration et de frustration.
Nous reprenons la route en sens inverse pour retrouver la Stuart Highway que
nous quittons quelques dizaines de kilomètres plus loin pour prendre la piste
et la traversée du désert de Simpson. Peu de monde passe par ici, mis à part
les road-trains que nous croisons, soulevant des nuages de poussière dans un
vacarme d'enfer. Quand ils arrivent à notre niveau, nous
n'hésitons pas à nous ranger gentiment sur le bas-côté sachant pertinemment
que ces monstrueux véhicules peuvent difficilement changer de trajectoire ou de
vitesse.
Arrivés à Finke, un panneau nous avertit que nous entrons en territoire
aborigène et à ce titre, il est interdit d'y introduire, même pour passer, la
moindre goutte d'alcool sous peine de répression sévère. Nous poursuivons
donc directement jusqu'à notre destination du jour, Mount Dare. En cours de
route, nous récoltons du bois mort en vue de notre séjour dans le désert. La
piste s'enfonce dans cette contrée perdue puis nous apercevons une éolienne en
ruine entourée de baraquements qui ne payent pas de mine : nous sommes à Mount
Dare Station, dernier poste de ravitaillement avant le néant. La sensation de
bout du monde à l'état pur avec seulement 2 habitants. L'ancienne ferme est
tenue par un jeune couple. Les plus proches voisins sont à 70 kilomètres, les
autres à 110 ! Pour le ravitaillement, il faut aller à Alice Springs, plus de
400 kilomètres, toutes les 2 semaines en saison lorsque environ 40 voitures
passent ici par jour, mais toutes les 5 à 6 semaines en dehors. Mieux vaut bien
vérifier sa liste des courses avant de partir.
Pas évident de vouloir vivre
dans ces conditions. On pourrait imaginer que les propriétaires sont des purs
produits de l'Outback, mais pas du tout. Ils étaient de parfaits citadins quand
ils sont venus en vacances ici il y a deux ans et demi de cela. Ils ont appris
que c'était à vendre et ils ont tout de suite saisi cette opportunité. Un
changement radical de vie qu'ils ne regrettent absolument pas. Un endroit
incroyable, comme il y en a beaucoup en Austalie, . On boit un coup et on
discute, Ici, la bière a un autre goût. Un vent fort s'est levé dans la
soirée, apportant avec lui la fraicheur, on est même obligé de se mettre une
couverture pour dormir.
Jeudi 28 Octobre
Quand c'est pas les mouches c'est les petites fourmis qui attaquent de bon
matin. On a une roue dégonflée et le camping-gaz du véhicule de Serge et
Jacky ne marche pas terrible alors que le nôtre est vide depuis longtemps. Par
précaution, on fait les compléments de gas-oil et on s'aperçoit qu'on a une
fuite au réservoir supplémentaire. Ca commence fort, ce n'est pas très
engageant mais on y va quand même, on est venu là pour ça.
De beaux paysages de vastes étendues se dévoilent sous nos yeux. Puis, les
ruines de Dalhousie se dressent sur un promontoire entourés de palmiers. Des
pancartes d'informations expliquent l'histoire des lieux, une ancienne ferme
destinée à l'élevage finalement abandonnée par ses propriétaires après
plusieurs tentatives infructueuses puis rachetée par l'état. Pour la petite
histoire, les palmiers dattiers qui donnent au lieu une si belle allure d'oasis
ont été importés par les premiers occupants et se sont révélés à la
longue néfaste pour l'écosystème local à cause de leur trop grande
consommation en eau. Leur expansion est maintenant sous contrôle.
Nous arrivons ensuite à des sources thermales permanente à 40 degrés. Le site
est aménagée autour de petits étangs dans lesquels on peut se baigner.
Aujourd'hui, il y a beaucoup de vent, on n'est pas trop motivés. Mais on
imagine sans peine, le délice que cela peut représenter après plusieurs jours
de piste. Plus loin, la piste surplombe une plaine étrangement verte, des
terres humides fréquentées par de nombreux oiseaux dont les brogas, de
superbes échassiers gris au cou rouge éclatant.
Au lieu de rester sur la French Line, la piste principale qui traverse le
désert de Simpson mais très dure, nous empruntons la Rig Road réputée moins
difficile. Les paysages que nous voyons sont pour nous bien loin de ce que nous
connaissons habituellement du désert. Beaucoup de végétation tapisse le sol
de sable ocre. De petites fleurs violettes, jaunes ou blanches égayent le
paysages avec leur tache de couleur si éclatantes. Il est vrai que c'est le
printemps mais nous sommes quand même surpris par la présence de tant de
plantes et arbrisseaux.
Nous apercevons aussi quelques animaux : un grand mâle
kangourou roux et 3 dromadaires qui détalent quand on arrivent dans leur
direction. Pour l'instant, nous n'avons pas de dunes de sables, surtout des
petits cordons à traverser sur une piste aménagée : à chaque croisement avec
une piste référencée, il y a des panneaux indicateurs ! Une autre idée du
désert.
Nous pique-niquons à Purni Bore, un site où l'eau saumâtre affleure formant
de petits étangs bordés de joncs, qui abritent plusieurs groupes d'oiseaux.
Nous repartons. La piste, impeccablement rectiligne, fend le désert jusqu'à
l'horizon. Petit à petit, les fleurs se font plus rares, les paysages moins
gais.
Au bout de plusieurs heures de pistes, nous nous arrêtons dans un vallon
interdunaire pour bivouaquer à la belle étoile. La lune se lève, dévoilant
son disque luminescent si énorme, si proche qu'on a l'impression de pouvoir la
toucher.
Vendredi 29 octobre
Réveil très tôt. Nous repartons dans nos montures sur la piste sableuse.
La végétation devient de plus en plus rabougrie donnant aux paysages un aspect
des plus mornes. La piste traverse des espèces de vallées couvertes
d'arbrisseaux. Entre, il faut franchir des sortes de cordons de dunes recouverts
d'une végétation plus rase. Nous franchissons ensuite de très belles
étendues de lacs salés asséchés avec de belles vallées d'arbres. Nous
rejoignons de nouveau la French Line. Elle fut crée dans les années 60 par une
compagnie pétrolière française pour l'exploration de gisements potentiels.
Plutôt rigolo de se retrouver ici.
La piste s'avère être une succession de
crêtes de dunes assez abruptes, au sable mou. Quelques plantages et un couchage
sur le côté évité de justesse décide les conducteurs à dégonfler enfin les
pneus pour améliorer notre progression. Petit à petit, la végétation se
dessèche et on traverse de nouveau de nombreux lacs salés.
A Poeppel Corner, nous rencontrons la frontières entre les 3 états. Au
milieu de nulle part, nous trouvons quand même le site aménagé pour savoir
dans quel état on met les pieds rien qu'en faisant le tour d'un poteau. On
atterrit ensuite sur la QAA Line, une immense ligne droite qui trace à travers
les cordons de dunes de plus en plus hauts. On trouve un endroit plat et
dégagé pour installer notre campement de nuit.
Samedi 30 octobre
Malgré notre lever très matinal, nous sommes encore une fois envahis de
mouches, cette fois-ci elles ont mis le paquet. Normal, ça doit faire longtemps
qu'elles n'ont pas vu âme qui vive ! De nouveau sur la piste, les paysages se
font de plus en plus désertiques, le sable de plus en plus rouge et les dunes
de plus en plus hautes. Les vallées entre les dunes s'étalent de plus en plus
tantôt couvertes d'arbres, tantôt de lacs asséchés parfois une combinaison
des deux. Nous progressons lentement mais surement dans le sable plutôt mou.
Puis le point d'orgue de la traversée se découvre à l'horizon : Big Red ou la
Grande Rouge la bien nommée. Pour atteindre son sommet qui culmine à 400
mètres de haut, il faut prendre un élan considérable pour attaquer la
montée. Nous sommes le premiers à tenter le coup. Nous partons du milieu
de la vallée, le pied à fond sur l'accélérateur pour lancer les 3,5 tonnes
de Totoy à pleine vitesse.
David a choisi la trajectoire la plus directe parmi
les nombreuses alternatives. Au fur et à mesure qu'on se rapproche du sommet,
il semble de moins en moins accessible, le sable absorbant insidieusement la
puissance de notre 4x4. Nous parvenons malgré tout à la crête ultime, mais
seules les deux roues avant passent de l'autre côté. Il faut recommencer avec
plus de puissance et donc plus de vitesse pour arriver jusqu'au bout. Je
descends pour contempler le spectacle vue d'en haut, et puis comme ça, ça fera
moins de poids et donc un atout supplémentaire. Vue d'ici, les voitures
ressemblent à de grosses fourmis qui s'agitent.
Puis c'est la deuxième
tentative. David part d'encore plus loin et met le paquet. Cette fois-ci, c'est
la bonne et le sommet est franchi d'un superbe saut de Totoy, tout heureux
d'avoir une fois de plus franchi un nouvel obstacle. Dans le même élan, Serge
part à l'assaut de la bête et en vient à bout vaillament, en une seule
passe.
Nous pouvons sereinement savourer les magnifiques paysages qui nous
entourent. Un autre véhicule se joint au manège de la montée. Avec surprise
nous découvrons une plaque européenne. C'est un couple d'allemands qui vient
en Australie chaque année pendant plusieurs mois et qui envoie sa voiture par
bateau. Ils arpentent ainsi le pays depuis plusieurs années après avoir
sillonné l'Afrique australe.
Nous descendons gentiment la plus célèbre dune d'Australie. Presque
aussitôt, les paysages changent radicalement. Le sable laissant la place à une
immense plaine recouverte de cailloux. La piste à base de gravier est devenue
dure. On peut rouler plus vite mais il faut rester méfiant car cette surface
joue souvent des mauvais tours. Nous arrivons à Birdsville et ses 120
habitants, une des localités les plus reculées du Queensland et par
conséquent du pays !
On s'empresse de profiter des avantages de la vie moderne
et on fait réparer un pneu dans le garage. Puis on fait un tour au sympathique
hôtel-pub pour s'offrir un déjeuner robuste. Ancien point de départ
d'énormes convois de bétail qui partaient vers le sud aux siècles derniers,
Birdsville est devenue une ville fantôme comme beaucoup d'autres. Depuis
quelques temps, le nouvel essor de l'élevage combiné à celui du tourisme a
donné une deuxième souffle à la petite cité, qui révèle toute sa vivacité
lors des célèbres Birdsville races. Amateurs de courses et fêtards en tout
genre viennent de tout le pays pour participer à ce grand rendez-vous
annuel.
Nous quittons Birdsville par la route qui alterne avec des portions de
gravier. Les 400 kilomètres qui nous séparent de Boulia s'annoncent d'un ennui
encore inégalés avec des paysages si plats, désolés, nus, arides.
Heureusement nous rentrons ensuite dans une région appelée le Channel Country
patrie de l'élevage. La présence du bétail en quête de sa maigre pature rend
les abords un peu plus vivants. Le contraste entre les herbes jaunies et la
terre rouge est toujours aussi beau. Nous arrivons à Boulia de nuit et pour
nous remettre de notre longue route, rien de tel qu'une bonne bière fraiche au
motel de la ville. Une fois de plus, l'Australie profonde est au rendez-vous
avec les hommes accoudés au comptoir avec leur beaux chapeaux de cowboy et leur
santiagues., tandis qu'au fond de la salle un groupe d'aborigènes jouent au
billard. Pas de mélange.
Dimanche 31 Octobre
Notre camping est installés au pied d'une rivière bordée d'eucalyptus. Les
oiseaux y sont comme au paradis. C'est à celui qui fera le plus de bruits entre
perruches, cacatoès, galas and co. Sur la terre ferme, c'est pas mal non plus.
Pendant que David nous concocte des pancakes pour le petit-déjeuner du
dimanche, nous
assistons amusés à un rodéo qui se livre sous nos yeux. En effet, de jeunes
vaches ont envahi le camping. A en croire la réaction de la gérante, ça ne
doit pas être la première fois. Au bout de quelques instants, un papy cowboy,
juché sur un quad, vient jouer les rabatteurs. Une génisse récalcitrante n'a
pas l'air de vouloir rejoindre ses pénattes, elle en fait voir de toutes les
couleurs à son gardien. Finalement, la partie de cache-cache s'achève sur
forfait des participantes apparemment très satisfaites de leur escapade
matinale.
Après quelques courses de ravitaillement, nous repartons avaler les
kilomètres de paysages plats écrasés par le soleil. Un joli relief, rompant
la monotonie vient à point pour servir de halte déjeuner encore et toujours en
compagnie de ces maudites mouches qui ne ratent aucune occasion de nous
harceler.
Middleton, le premier village sur notre route avec ses 3 habitants : les
patrons du bar et leur fille. Bien sûr il ne faut jamais manquer l'occasion de
s'arrêter dans ces endroits emblématiques de l'Outback, il s'y dégage
toujours une atmosphère très personnelle, unique. Contrairement à ce qu'on
imagine, ce sont des lieux très vivants, très animés et les gens qui y
passent où y vivent sont toujours des personnages à part entière, souvent de
grands poètes dans l'âme. Les nombreuses photos tapissant les murs témoignent
de la rudesse de la vie ici et par conséquent des toutes occasions d'en
profiter pleinement : un coucher de soleil somptueux dans un ciel lourd de
nuages menaçants, la route inondée servant de théatre pour acrobaties en
moto, fêtes copieusement arrosées.
Pour arriver plus vite sur Hughenden, nous tentons des pistes de gravier qui
desservent de nombreuses fermes. Beaucoup de barrière à ouvrir puis à
refermer. Le bétail est omniprésent, parfois accompagnée d'une horde de
kangourous.
Mais on finit par se perdre dans ce dédale de chemins. Nous tentons
notre dernière chance mais la piste que nous empruntons, au lieu de nous
conduire à Sebiana nous mène au soeur d'une station. Les fermiers nous
apprennent que la piste que nous cherchons n'existent plus depuis longtemps et
nous indiquent le chemin pour retrouver la route. Sous leur regards goguenards,
nous repartons en quête du fameux bitume que nous finissons par rejoindre.
Le jour commence à décliner tandis que nous roulons sur le superbe
asphalte. Partout des cadavres de kangourous jonchent les bas-côtés, une
terrible hécatombe. Le ciel s'obscurcit laissant présager d'un orage proche.
Nous nous arrêtons au camping de Stamford avec encore 3 habitants. L'orage
tonne au loin, un vent chaud se lève, il fera bon rester à l'abri.
Lundi 1 Novembre
Le vent a bien soufflé dans la nuit mais c'est tout ce qu'on a eu de
l'orage. Nous repartons sur la route parfaitement rectiligne. Elle débouche à
Hughenden, jolie petite ville vivante. Nous reprenons aussi sec une piste qui
s'enfonce dans les terres. Porcupine Gorge offre une pause agréable sur le
parcours.
Puis nous continuons vers le nord. Le bush se transforme en véritable
forêt d'eucalyptus de plus en plus hauts. Le bétail est toujours là, il erre
dans la forêt en quête de nourriture. Le milieu environnant a évolué, le
cheptel aussi. Les vaches sont essentiellement de type brahmane, de celles qu'on
voie en Inde mais sans cornes. Au bout de 250 kilomètres, le carrefour de The
Lynd annonce le retour du goudron et aussi de la circulation. En fait, de
nombreux camions et road-trains très impressionnant sur cette route étroite à
une seule voie la plupart du temps.
Mount Garnet nous offre l'agréable surprise d'une jolie petite ville, toute
pimpante, pleine de verdure et de bougainvillées et jacarandas en fleur. Ca
fait très bizarre après tous ces jours dans l'Outback aride et poussiéreux.
La route s'élève peu à peu dans les montagnes. La forêt devient de plus en
plus verte et il fait même frais à Ravenshoe où nous passons la nuit dans une
roadhouse, à l'abri des grands arbres.
Mardi 2 - Mercredi 3 Novembre
Pour se reposer des longues heures de route poussiéreuses des jours
précédents, nous visitons cette région si verdoyante. Située sur un plateau
rocheux s'élevant parfois à 1000 mètres d'altitude, le climat y est
agréable. Les sols de ces anciens volcans sont très fertiles et sont propices
aussi bien à l'élevage qu'à la culture de variétés tempérées comme
tropicales. Une alchimie étonnante d'Auvergne et de Quensland. A
Millstream, nous nous balladons sur plusieurs circuits pour admirer de jolies
cascades dans un écrin de verdure luxuriante. En continuant sur Millaa Millaa
nous nous perdons avec délectation dans la jolie campagne vallonnée
entrecoupée de forêt tropicale. Des paysages très riants, quel contraste avec
nos journées d'avant !
A Malenda, nous partons à la recherche d'un ancien cratère. C'est aussi
bien la ballade dans la forêt humide que le lac du cratère qui méritent le
détour. Au fur et à mesure qu'on se rapproche d'Atherton, le chef-lieu de la
région, puis de Cairns, nous rencontrons de plus en plus de voitures. La route
longe la fin de la barrière rocheuse. Elle offre de superbes vues panoramiques
sur la côte. Quel bonheur de retrouver la mer ! La longue descente sur la ville
fournit encore plusieurs occasions de capter de beaux points de vue. Une fois la
plaine retrouvée, nous nous retrouvons rapidement dans la banlieue de
Cairns.
La capitale du "Far North" nous apparait grouillante de vie,
d'activités et de touristes. Une telle profusion de commerces, boutiques et
restaurants nous fait un peu bizarre mais on s'en accommode très vite, avec
plaisir. Nous profitons d'être arrivés tôt pour aller chercher des
renseignements pour nos expéditions futures. Après avoir un peu tournés en
rond, nous trouvons les organismes adéquats avec un personnel très sympa et
compétent. Ils nous mettent en garde sur les dangers de la faune. A Melville,
là où nous comptons nous rendre, un crocodile a récemment attaqué une
famille qui campait sur la plage. Plus étonnant, on nous remet une brochure qui
explique l'attitude à adopter si on se trouve face à un casoar, l'oiseau
emblématique de la région. Ce grand volatile aux pattes armés de griffes
aussi tranchantes que des poignards peut s'avérer agressif et attaque sans
hésiter les humains, les deux pieds en avant, un peu comme un combattant d'art
martiaux. Décidément, l'Australie nous réserve toujours des surprises de
taille.
Nous nous éloignons de la frénésie de la ville pour camper à Palm Cove,
station balnéaire chic des environs. Nous nous adonnons avec plaisir à la
promenade en bord de mer pour finir dans un bon restaurant à la gastronomie
raffinée, heureuse surprise.
La journée de mercredi est consacrée aux emplettes en ville et aux petites
réparations. En fin de journée nous migrons pour Port Douglas, autre station
balnéaire de la côte, chic et branchée, mais qui a su garder son charme avec
de petites ballades qui offrent de beaux point de vue.
Jeudi 4 Novembre
A défaut de pouvoir explorer la péninsule du Cape York, à notre grand
regret par manque de temps, nous prenons la direction du Nord pour rejoindre un
autre bout du monde, le Cape Melville. La première partie de l'expédition est
riche en lieux d'intérêts.
Tout d'abord, la magnifique Mossman Gorge, située
dans le Daintree National Park, nous permet de découvrir la forêt tropicale
humide. Grâce à un sentier très bien aménagé, nous nous perdons dans la
végétation dense, tantôt longeant d'agréables bassins naturels formés par
la rivière, tantôt en plein coeur de la forêt luxuriante, tantôt au sommet
de falaises richement arborées. Certains arbres gigantesques déploient au sol
des racines immenses pour pouvoir s'arrimer à la terre alliées à une embase
de tronc large et légère.
Nous tentons de débusquer des animaux dans cet
environnement riche mais il faut avoir l'oeil tant certaines bestioles sont
passées maitres dans l'art du camouflage, tel ce petit lézard dont la robe a
exactement les mêmes teintes et dessins que les feuilles sèches jonchant le
sol. A l'opposé de ces as de la dissimulation, certains oiseaux arborent des
couleurs éclatantes dans cette marée vert sombre.
Nous reprenons la route magnifique le long de la côte avec de superbes
panoramas sur l'océan azur. A Daintree, nous prenons le ferry pour passer la
rivière et nous rendre sur l'autre bord. Les points de vue plus beaux les uns
que les autres se succèdent aux détours des virages. Nous profitons d'une
belle plage pour pique-niquer et s'en mettre plein les yeux. La route s'est
muée en piste avec des montées de plus en plus abruptes dans les montagnes
couvertes de forêt.
Cape Tribulation pourrait en fait se résumer par un
contraste éblouissant le vert de la forêt, le bleu du ciel et le blanc du
sable. Longtemps cette région était dédiée à l'exploitation forestière
intensive. Grâce à l'acharnement des amoureux de la nature, l'endroit a été
converti en réserve naturelle pour notre plus grand bonheur. Puis, la piste
s'éloigne de la côte et devient plus plate, traversant une région habitée
mais où on ne voit personne.
Nous rejoignons ensuite la route principale pour
Cooktown. Peu avant la ville, d'étranges amoncellements de blocs de granit noir
imposent leur sinistre stature sur une petite chaine de collines. Paysages
bizarres dans cet environnement de forêt tropicale qui disparait au profit du
bush.
L'artère principale de Cooktown mène droit au port. L'atmosphère y est
très sympathique avec tous les pêcheurs qui déchargent leur cargaison vivante
et frétillante. On peut aussi admirer le va et vient des plaisanciers qui
évoluent dans ce magnifique site de l'embouchure de la rivière se jetant dans
l'océan. Cooktown et ses 1500 habitants est une bourgade historique. C'est le
premier point de peuplement britannique de l'Australie. C'est aussi ici ,en
1770, que le capitaine Cook échoua son navire l'Endeavour donnant ainsi
son nom à la rivière. Nous montons près du phare pour profiter d'un panorama
magnifique sur la ville et sa baie au coucher du soleil. Une statue de kangourou
rappelle la première fois où un européen apercevait cet animal. Nous
rebroussons chemin pour aller camper dans un endroit très agréable à l'ombre
de grands gommiers avec suffisamment d'espaces pour ne pas se gêner avec les
voisins.
Vendredi 5 Novembre
Nous quittons Cooktown et son atmosphère nonchalante pour
trouver la route qui mène vers le nord. Aussi invraisemblable que ça en a
l'air, on a du mal à trouver notre chemin et on tourne un peu en rond avant
d'atterrir finalement sur la bonne voie. Très vite, le bitume se termine et
nous prenons connaissance avec la piste. A peine éloignés de quelques
kilomètres et nous faisons notre premier arrêt pour admirer de jolies chutes
d'eau très appréciées dans le coin lors de la saison chaude. Au moment de
remonter vers la voiture David découvre un intrus que nous n'avions pas vu à
l'aller : niché dans l'anfractuosité d'un rocher, à deux pas de la piste, un
énorme serpent enroulé sur lui-même attend patiemment que la température se
réchauffe. Y a pas à dire, la tenue de camouflage est au point.
La piste s'enfonce au plus profond des terres sauvages couvertes de bush.
Après tant de kilomètres parcourus dans la nature australienne, nous
découvrons encore un bush différent. Ici, le sol aride est tapis de plantes
échevelées sur pied que nous avons surnommés encore une fois les chevelus.
Dominant les fourrés, les eucalyptus maigrement feuillus se dandinent au rythme
des rares brises. La forêt se fait de plus en plus épaisse tandis que la piste
devient de plus en plus dure, les trous de plus en plus nombreux et de plus en
plus grands. Le soleil monte dans le ciel, la chaleur augmente progressivement.
On commence à se sentir isolés. Sur mon écran, la piste bifurque vers la
côte toute proche. On fait le détour et longeons l'embouchure d'une petite
rivière. Arrivés au bout de la piste, quelques détritus et carcasses
d'appareils rouillés montrent que l'endroit est parfois fréquenté mais pas de
trace d'âme qui vive. Tout ce qu'on voit c'est une rivière aux reflets foncés
qui se jette dans la mer dissimulée par la mangrove. La seule vision de cet
endroit nous donne vraiment la sensation d'être seul au monde.
Après une pause déjeuner partagé avec les mouches comme il se doit, nous
reprenons notre chemin, déjà harassés de chaleur, de fatigue et de
poussière. Nous ne sommes pas au bout de nos peines. Le relief s'accentue, nous
traversons une petite chaine montagneuse. La piste est de plus en plus piégeuse
et ardue avec les pierres qui s'immiscent dans le sable. Nous sommes noyés dans
la forêt d'eucalyptus. A chaque sommet de colline nous pouvons enfin apercevoir
l'horizon : à perte de vue l'océan de verdure s'étale, encore et encore.
Notre progression semble interminable. Wakooka sonne la victoire de la désolation
absolue des baraquements en ruine abandonnés des carcasses de voiture
rouillées, pas vraiment gai. On commence à trouver le temps long, il nous
tarde d'atteindre notre objectif. A tel point que lorsqu'un croisement se
présente pour faire un incursion sur la côte, nous boudons cette option, tout
simplement pour arriver le plus rapidement possible.
Enfin la forêt s'estompe pour laisser la place à une étendue de sables
marécageux régulièrement envahis par les marées. Nous y sommes, Cape
Melville nous accueille. Soulagés d'avoir enfin atteints notre but, nous
inspectons les lieux et installons notre bivouac sous les arbres en haut de la
plage. Difficile pourtant de se laisser aller complètement, nous avons toujours
en mémoire l'attaque par un crocodile marin d'une famille de campeurs, ici
même sur la plage, trois semaines auparavant. Le paradoxe de l'Australie : ça
ressemble toujours à un petit paradis et pourtant le danger n'est jamais bien
loin. Comme à chaque occasion, Davis déploie sa cane à pêche pendant qu'on
prépare le souper en prenant bien garde de ne pas trop s'approcher du bord.
Mais le soleil se couche sans prise à l'horizon. Loin de s'avouer vaincu, Davis
improvise une fixation pour la cane à la voiture espérant que la nuit sera
plus généreuse que le jour.
Samedi 6 Novembre
En plein coeur de la nuit, un énorme bang retentit accompagné d'une
secousse violente de la voiture : quelque chose de très gros a dû mordre à
l'hameçon. Mais quand on se lève le matin, c'est une cane à pêche explosée
que l'on découvre sans rien au bout du fil cassé. On ne saura jamais à côté
de quelle bestiole on est passé pour le déjeuner mais elle avait probablement
une force prodigieuse. David rafistole son matériel de pêche et insiste encore
un peu dès fois que le monstre ou un de ses cousins serait encore dans les
parages. Pendant qu'il scrute inlassablement les flots, il aperçoit un museau
qui vient se ravitailler en air. Qu'est que cela peut-il bien être. Nous
passons près d'une heure à observer le rivage avec cette bête qui vient
régulièrement respirer à la surface. Malgré nos jumelles, difficile de
saisir l'instant et le lieu fatidique pour identifier l'animal. A cours
d'appât, nous abandonnons la partie. Une chose est sûre, ce n'est pas une
tortue marine. David penche pour un saltie et moi pour un plus sympathique
dugong mais nous n'en aurons jamais le coeur net. Pendant tout ce temps, le
soleil s'est élevé dans le ciel et nous brûle de ses rayons ardents.
Heureusement, non loin d'ici se trouve un trou d'eau dans la fraicheur de la
foret tropicale. Nous partons en quête de ce paradis et finissons par rejoindre
cet endroit délicieux. Au plus profond d'une végétation luxuriante, s'écoule
un mince filet d'eau fraiche d'une clarté limpide qui descend de la montagne
toute proche. La fraicheur providentielle des lieux nous offre une délectable
baignade dans un cadre de verdure exubérant. On savoure cet instant au maximum
car on n'est pas près de retrouver une telle occasion.
Nous quittons le Cape Melville pour retourner sur Cairns. Avant de quitter
cette contrée sauvage nous faisons un détour pour admirer l'intacte Ninian Bay.
Encore un endroit merveilleux avec toujours cette sensation de bout du monde
dont on ne se lasse jamais. Pause déjeuner et on repart direction plein sud.
Nous traversons de nouveau ce bush sans rencontrer âme qui vive mis à part
quelques vaches de race brahmane. Les rares bâtiments que nous avons croisés
ont plutôt l'air abandonnés, on reconnait même une ancienne piste
d'atterrissage. On ne sait pas si elles sont retournées à l'état sauvage ou
si elles appartiennent à un ferme isolée. Nous pénétrons dans l'enceinte du
Lakefield NP. Sur la piste, on croise des garçons vachers qui chargent du
bétail rassemblé dans un enclos. Quelques kilomètres plus loin , on aperçoit
au loin des bâtiments probablement la ferme destination du bétail. Puis nous
franchissons un gué avant d'arriver à notre campement.
Nous nous installons dans ce camping sauvage aménagé, comme souvent dans
les parcs nationaux. Les sanitaires sont l'endroit le plus appropriés si vous
souhaitez observer les grenouilles et geckos. Mieux vaut vérifier qu'il n'y a
pas d'intrus avant de s'installer aux toilettes, le refuge préféré des
grenouilles vertes. Une fois décrassés et rassasiés nous partons dans
l'obscurité munis d'une lampe torche pour partir à la recherche des crocos, à
la rivière d'en bas. Mais cernés par la nuit noire et des bruits pas
catholiques, nous avons finalement trop peur pour nous approcher plus près et
abandonnons rapidement notre expédition.
Dimanche 7 Novembre
Nous retrouvons ici les paysages désormais familliers du Kakadu. De nombreux
trous d'eau offrent de jolis points de vue à chaque fois diffèrents. Certains
ont une histoire tragique comme celui dans lequel s'est noyé un adolescent pour
échapper à la trop forte chaleur un jour d'été. Heureusement, c'est un cas
isolé et les autres billabongs présentent des perspectives plus gais. White
Lily est jonché de nénuphars blancs et bleus, tandis que Red Lily offre ses
superbes nénuphars géants roses à perte de vue, abri idéal pour de nombreux
habitants des marais, principalement des oiseaux. On resterait des heures à
s'imprégner de ce magnifique spectacle si on n'était pas agressés de toute
part par de minuscules moustiques affamés.
Nous continuons la piste qui nous donne à plusieurs reprises l'occasion
d'observer des représentants de la faune locale en particulier un beau varan et
un superbe lézard à collerette qui se réfugient immédiatement dans un arbre.
Sur notre route, nous tombons sur une ancienne ferme entourée de magnifiques et
immenses manguiers couverts de fruits, une récolte imprévue et providentielle.
Plus loin nous visitons Old Laura Homestead une ancienne ferme restaurée,
témoignage de la rudesse de la vide de l'époque.
Nous retrouvons le goudron par le biais de la Peninsula Development Road qui
descend tout droit du Cape York. La petite bourgade de Laura nous annonce le
retour de la civilisation. Nous y faisons halte pour le déjeuner avec un
hamburger australien d'anthologie.
Plus nous avançons, plus la route est fréquentée. Certaines sections sont
en travaux et nous mangeons de la poussière en permanence. La montagne nous
cerne de part et d'autres, nous autorisant un superbe point de vue sur le relief
des alentours. Nous nous rapprochons de la côte et de notre destination du
jour. Après 465 kilomètres parcourus dans la journée nous retrouvons Cairns
et la côte Est.
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