Arrivé à Ceuta
Lundi 30 Août - Mardi 7 Septembre
Ca y est, nous commençons notre aventure en Australie. La première étape,
pas des plus palpitantes mais qui nous réserve néanmoins son lot quotidien de
péripéties est la préparation de la récupération de notre voiture arrivant
par bateau d'Afrique du Sud.
Nous installons nos quartiers dans un motel aux abords du centre de Perth
dans un coin à l'image de la ville : urbain mais aéré et agréable. La quête
des différents documents nécessaires au débarquement de Totoy auprès des
organismes et entreprises concernés disséminés dans la région, nous donne
l'occasion de visiter le coin sous un autre angle que la visite touristique
habituelle. Nous faisons un nombre important d'allers-retours entre la compagnie
maritime, les douanes, le dépôt de container où nous devons organiser
l'inspection du véhicule par le service des douanes et de la quarantaine
australienne. Nous avons droit aux scènes classiques de l'absence du tampon
approprié ou du formulaire X qui va avec le Y sinon c'est le Z. Impressionnant
le nombre de formulaires que nous avons à remplir, de choses qu'on a à
déclarer, faire signer ou tamponner pour avoir droit à un nouveau formulaire
à remplir,etc, tout ça agrémenté d'une difficulté supplémentaire
qu'est la barrière de la langue ce qui ajoute un joli piquant à pas mal de
situations ! Parfois, on est au bord de la crise de nerf hystérique, ou du fou
rire explosif incontrôlable ça dépend de la dose de patience qu'on a
dû déjà consommer pour en arriver à ce stade. Ce n'est pas du meilleur effet
et ça ne fait pas avancer le schmibilick mais on doit de temps en temps faire
appel à toute notre concentration et notre sang-froid pour résister à la
tentation ! Heureusement pour nous, on est enfin tombé aux douanes sur une dame
compétente, d'une patience infinie et d'une serviabilité exemplaire.
Une fois tous les papiers dûment remplis nous nous attaquons à l'étape
suivante : obtenir une assurance pour rouler en Australie. On cumule deux
handicaps qu'on a cru un moment insurmontables : un véhicule avec une conduite
à gauche et le fait d'être des touristes c'est à dire des non résidents. De
nouveau, on doit batailler ferme avec de nombreuses assurances et
organismes qui nous rejettent les uns après les autres, nous laissant
désorientés sans savoir à qui s'adresser. Là encore, nous avons la chance de
rencontrer une dame qui prend le temps de comprendre notre problème et de nous
aider en utilisant tous ses contacts pour arriver à obtenir une piste pour
notre cas qui, il est vrai, est très rare ici.
Nous arrivons finalement au week-end, sans date pour la voiture et sans
assurance. Le moral n'est pas au beau fixe d'autant plus que la grisaille
hivernale a envahi le ciel. On déménage sur Freemantle pour profiter de
l'animation de cette ville balnéaire mais la pluie forcément calme les ardeurs
des plus motivés. De la fenêtre de notre appartement on scrute le port en se
demandant dans quel container se trouve notre Totoy. Qu'est-ce qu'il nous tarde
de le retrouver et partir explorer les pistes du pays !
Pour l'instant, on n'en est pas encore là et on se contente de rêver à
notre future aventure. En attendant le jour fatidique du dépaquetage de Totoy,
on profite quand même des attractions locales : le superbe et récent aquarium
de Perth où sont très bien mises en valeurs les différentes espèces marines
présentes sur les côtes australiennes, une faune particulièrement colorée,
riche et diversifiée. On s'adonne volontiers à l'un des plaisirs favoris de
tout habitant de "Freo", l'affectueux surnom de Freemantle, en
s'installant à l'une des nombreuses terrasses de Capuccino Strip pour observer
l'animation de la rue en buvant un verre. Le soir et le week-end, la rue et ses
environs grouille de passants, de fêtards, de touristes. Le spectacle est dans
la rue mais aussi sur la route avec un défilé incessant de voitures ou motos
exubérantes voire complètement extravagantes. Bref on ne s'ennuie pas. Le
marché couvert de Freemantle est une autre des attractions pittoresques et
populaires des lieux, situé juste au bout de cette fameuse rue. On y trouve de
tout, des bijoux fantaisie, des antiquités, des produits miracles à base de
plantes, en passant par des objets les plus kitchs imaginables en particulier
les plaques d'entrée aux maisons gravées de citations plus ou moins saugrenues
jusqu'aux étals débordants de fruits et de légumes des maraichers du coin.
C'est la saison des fraises et on ne se fait pas prier pour en marchander.
Mercredi 8 Septembre
Enfin le jour tant attendu arrive. Après avoir déménagé une nouvelle
fois d'appartement, on se rend au rendez-vous convenu avec les différents
services concernés au dépôt de containers ou est stocké Totoy. En attendant
l'heure, on observe les douanier qui travaillent sur d'autres containers.
Apparament un qui débarque aussi d'Afrique si on en croit les nombreux
souvenirs déballés. Malheureusement nombre d'entre eux ne resteront pas sur ce
continent car ils sont consciencieusement détruits, suspectés de pouvoir
ramener des maladies ou des bestioles peu recommandables. On voit ainsi,
tam-tam, masques, hachettes, etc ... passer à la trappe. Ca ne nous réjouit
pas pour la suite. Notre heure arrive enfin. Le représentant des douanes
remplit rapidement son office. Celui des services de quarantaine a plus de
travail. Il inspecte notre voiture à l'intérieur, à l'extérieur, demande à
voir les roues de secours, nos chaussures qu'il nous fait re-nettoyer. Après
avoir ouvert nos placards et constater le contenu inoffensif, il examine de plus
près la carrosserie et le chassis. Il semble satisfait et à part un re-lavage
en règle de l'intérieur des passages de roues, et le radiateur à re-nettoyer
il ne trouve rien à redire. Comme ça se fait sur place et qu'il y a d'autres
éléments déjà en attente, nous partons déjeuner dans un restaurant sur le
front de mer que nous avions repéré et gardé pour la bonne occasion. Après
s'être régalé de crustacés locaux on repart tout joyeux à l'idée de
récupérer enfin notre Totoy.
Nous attendons encore un bon moment car il n'est pas encore lavé. Puis, le
lavage terminé, l'inspecteur des quarantaines vient de nouveau l'examiner. Il
n'est pas satisfait du nettoyage du radiateur qui contient toujours des herbes
sèches et cela semble poser un problème grave. Nous qui pensions être près
du but, voyons en quelques secondes notre espoir évaporé : il est hors de
question de nous laisser partir avec tant de matières dangereuses. Ici, ils ne
savent pas comment faire et comme nous avons prévu de faire faire la révision dans un
garage nous proposons d'y faire démonter et nettoyer le radiateur. Ce
n'est pas aussi simple il faut contacter le chef du service. Verdict
après un bon moment d'attente : la voiture ne peut pas rouler sur la route, c'et trop risqué
! Il faut la remorquer jusqu'au garage, puis démonter soigneusement les
éléments en prenant bien garde de le faire au-dessus d'un plastique pour
ramener le tout au dépôt pour que les services de la quarantaine constatent et
détruisent tout cela. On est abasourdi ! On ne voit pas comment s'en sortir.
David me fait demander si cela pose problème si quelqu'un comme lui, extérieur
aux services de quarantaine, effectue les opérations de démontage. Ils
acceptent, enfin un point positif. Aussitôt David se met à l'ouvrage et
démonte la grille de climatisation puis c'est le lavage au jet haute pression
pour tenter de chasser les dangereuses graminées des ailettes du radiateur.
Régulièrement, l'inspecteur vient faire son tour et nous sommes suspendus à
ses lèvres à attendre son fameux verdict. Après plusieurs heures d'acrobatie
autour de l'avant du moteur, des mètres cubes d'eau projetés, nous voyons la
fin de la journée arriver et on s'imagine déjà revenir ici le lendemain.
Heureusement, l'inspecteur, finalement touché par tant d'ardeur déployée
par tant de personnes pour un radiateur si gravement incrusté d'herbes sèches,
nous accorde enfin son autorisation de quitter les lieux. Nous ne demandons pas
notre reste et nous partons en coup de vent sans nous retourner des fois qu'il
changerait d'avis. Le jour décline, on n'en revient pas de la tournure des
évènements et on commence à se demander si les autorités australiennes ont
vraiment envie de nous voir débarquer dans leur pays.
Jeudi 9 - Samedi 11 Septembre.
Nous retrouvons enfin notre Totoy mais nos démélés de la veille ont
plutôt gâchés les retrouvailles tant attendues. D'autant plus que les
ailettes du radiateur n'ont pas apprécié le remède de cheval qu'on leur a
fait subir, elles sont complètement recourbées et notre radiateur est foutu :
on doit le remplacer avant d'aller dans le bush. Nous nous consacrons pleinement
à la voiture pour la préparer de nouveau à l'aventure : révision complète
et un tour dans chez un accessoiriste 4x4 tout surpris de voir un véhicule
européen ici, et en plus équipé avec des éléments fabriqués par eux
importés en Europe : la boucle est bouclée. Nous sympathisons avec un des
vendeurs qui passent sa matinée à tenter de nous trouver un assureur. Les gens
sont vraiment sympas ici, en quelques jours nous avons rencontrés à plusieurs
reprises des gens qui ont dépensé beaucoup d'énergie et de temps à nous
aider juste pour nous dépatouiller. Ca nous remet du baume au coeur et on en
oublierait (presque) nos antécédents avec les autorités australiennes.
Dimanche 12 Septembre
Nous avons décidé de rester un peu pour enfin profiter de notre séjour en Australie. Le soleil est
radieux et nous avons loué des vélos pour remonter la rivière Swan jusqu'à
Perth. C'est une superbe journée de printemps et tout le monde s'installe
pique-niquer. Partout, dans le moindre espace vert, dans le plus petit parc, les
gens s'installent pour déjeuner dehors, modestement sur une simple couverte
déployée sur l'herbe, ou de façon plus organisée avec chaises et tables
dressées pour le festin, et le barbecue où grésillent les saucisses pour une
vingtaine d'invités qui surveillent, une bonne bière ou un verre de vin à la
main. L'ambiance est champêtre et aussi extrêmement conviviale et
chaleureuse.
Le parcours sinueux, nous laisse admirer des centaines de bateaux, voiliers,
coques de noix et avirons voguant sur la rivière et pour certains rejoignant la
mer toute proche. Une myriade de voiles à la blancheur éclatante découpe leur
silhouette triangulaire sur les flot bleus et le ciel azuréen. Nous alternons
parcs, terrains sportifs ou de jeux et quartiers chics aux maisons d'architecte.
L'arrivée sur Perth est magnifique et on ne ressent pas du tout l'oppression
d'une ville de presque un million et demi d'habitants. Au contraire, ici on
respire et les gens prennent le temps de vivre et ne sont pas stressés. Il se
dégage une atmosphère tranquille tout en étant animée et vivante. C'est la
première fois qu'on découvre une ville qui nous donnerait presque envie de
nous y installer, nous qui avons si peu l'âme urbaine.
Le retour que nous effectuons par l'autre rive s'avère plus
difficile car nous avons déjà de nombreux kilomètres dans les jambes et bien
sûr, toutes les côtes sont ici ! Mais nous ne lassons pas d'admirer les
nombreuses petites criques, nichées au coeur des méandres de la rivière, et
qui sont très souvent aménagées en petit port coquet de plaisance. Vraiment
un nombre incroyable de bateaux : tout le monde ou presque doit en avoir un.
Nous arrivons enfin à Freemantle au soleil couchant. Fourbus mais heureux
d'avoir découvert les environs sous un aspect aussi enchanteur.
Lundi 13 Septembre
Nous avons prévu de partir aujourd'hui, même s'il nous reste pas mal
d'affaires à régler en ville. Bien que la région de Fremantle et Perth soit
très agréable, on ne supporte plus d'y être "cantonné". Il nous
faut partir sur les routes. Comme à l'accoutumée, nous passons à notre
cyber-café devenu notre QG pour en finir, du moins c'est ce que l'on croit,
avec nos histoires d'assurance et la préparation de la suite de notre périple.
Nous avons bien sûr les courses de ravitaillement à faire. Les courses dans un
supermarché sont une autre façon de découvrir les habitudes des habitants
d'un pays de par les produits qu'on y propose et bien sûr le comportement des
employés et des clients. Outre les différences flagrantes d'habitudes de
consommation alimentaire, un truc rigolo c'est la façon de faire la queue à la
caisse. Comme à l'aéroport, tout le monde attend sagement derrière la ligne
jusqu'à ce que retentisse le "Next please" déclencheur de
l'avancée. Ce n'est pas la seule différence. Ici, les gens sont vraiment plus
cools, plus souriants et il nous arrive souvent de discuter avec la caissière
ou des clients qui reconnaissent notre accent français.
Bref, c'est finalement en milieu d'après-midi, sous un ciel gris, que
commence officiellement notre odyssée australienne. Nous entamons notre brève
descente vers le sud. On traverse quelques vastes sites industriels aux
alentours de Rockingham, seconde ville de l'état pour la population, partagée
entre cité dortoir et cité balnéaire. Puis nous arrivons très tardivement à Mandurah, vaste complexe touristique bien aménagé avec
une superbe marina vraiment incroyable. C'est une succession d'anses
artificielles reliées par des ponts, entourées de belles villas au style
contemporain surplombant chacune un ponton où le bateau attend sagement le jour
de sa sortie. Paradis touristique artificiel mais qui fait son effet. Nous avons
du mal à trouver un camping et c'est une fois la nuit tombée qu'on s'installe
enfin.
Mardi 14 Septembre
A notre réveil, nous avons la surprise d'être accueillis par la gérante du
camping, une carte d'Australie à la main. Elle a remarqué notre plaque et
comme ils ont beaucoup voyagé au sein du pays, elle vient tout simplement nous
conseiller sur les itinéraires. Depuis pas mal de temps déjà, ils prennent un
an pour visiter une région, s'y installer et travailler jusqu'à ce que le
virus les reprenne et que tout recommence.
Nous descendons au sud vers Bunbury. La route de campagne zigzague doucement
entre les forêts d'eucalyptus et les champs couverts de fleurs jaunes. Les
paysages se transforment progressivement et c'est une succession de scènes
magnifiques qui se déroulent sous nos yeux : de beaux arbres chevelus
surplombent des tapis d'herbe parsemées de touffes d'arhums à la blancheur
lumineuse. Des perruches tentent de se confondre avec le vert tendre de l'herbe
touffue, mais le vert éclatant de leur livrée et le jaune qui entoure leur cou
accroche le regard.
Notre circuit touristique nous mène jusqu'à Bunburry, petite ville cotière
réputée pour la visite quotidienne de dauphins souffleurs. Mais le vent est
cinglant et il fait plutôt froid, on n'est pas du tout motivés pour se mettre
à l'eau, par contre, ça nous fait une très bonne halte déjeuner. On pousse
ensuite jusqu'à Busselton au bord de Geographe Bay.
Sa jetée en bois de deux kilomètres de long est l'attraction principale.
C'est normal, elle a survécu à plusieurs passages de cyclone. C'est une
promenade bien agréable de la parcourir. Les pêcheurs se postent aux endroits
stratégiques. Apparemment certains piliers sont plus prisés que d'autres. Ils
y passent des jours et des jours et certains ont même souhaités que leurs
cendres soient dispersées sur le bois qu'ils ont arpenté par tous les
temps. C'est plutôt émouvant et assez surprenant.
Les nuages orageux défilent, laissant le soleil créer une percée à
l'occasion. Aussitôt les couleurs irisées refont surface et on peut apercevoir
les silhouettes des poissons narguant les pêcheurs.
Nous continuons à longer la côte jusqu'au Cap Naturaliste. La route laisse
apercevoir de beaux points de vue sur le littoral et ses plages nature. Au bout
du cap se dresse un phare au goût de bout du monde. Ce coin est à la fois
sauvage et zone de villégiature. La preuve Yallingup, mecque des surfeurs,
se niche au coeur d'un côte spectaculaire et c'est au détour d'un virage qu'on
découvre toutes les habitations perdues au milieu de la forêt et du bush. La
campagne a parfois des airs de campagne anglaise avec ces fermes bucoliques et
toujours ces superbes champs tapis d'arrhums blancs.
La route qui mène à Margaret River est toute aussi enchanteresse. Dans un
cadre toujours aussi vert, elle est bordée de vignobles, certains les plus
réputés de l'Australie. Qu'il est agréable de musarder surtout à l'heure du
crépuscule, lorsque les kangourous envahissent les alentours : golfs, vignobles,
champs, lisières de forêt. Partout les étranges bestioles, emblème du pays,
sortent des fourrés pour aller brouter l'herbe tendre nullement intimidés par
l'activité humaine. Arrivés à la nuit à Margaret River, nous trouvons un
camping où on nous "range" entre vans de location et caravanes.
Mercredi 15 septembre
Notre incursion dans le parc naturel de Leuwin commence par une piste au plus
profond d'une immense forêt de grands eucalyptus. Le cap Frecinet nous
accueille, battu par les vents, perdus entre le bush, les pistes de sable et des
roches de granite aux formes superbes. Cela a des airs de Bretagne, du moins
telle qu'on l'imagine car on ne la connait pas encore.
C'est un endroit vraiment sauvage, avec la nature à l'état brut. Ca doit
être un vrai plaisir l'été mais pour l'heure on n'en est qu'au début du
printemps plutôt frais d'ailleurs. La piste que nous souhaitons emprunter pour
aller au Cap Hamelin est fermée. Nous demandons des renseignements aux rangers
qui nous conseillent une déviation qui, malheureusement, ne longera pas la
côte superbement déchiquetée. Cap Hamelin est encore un bout du monde où les
australiens, grands amateurs de vie au grand air viennent passer quelques jours.
Le cadre est magnifique surtout quand un rayon de soleil vient embraser les eaux
turquoises de l'océan indien. Idéal pour un pique-nique.
L'étape suivante est de nouveau un cap : celui de Leeuwin qui offre une fois
de plus une vue superbe sur les alentours avec un phare qui se dresse fièrement
sur son promontoire. En saison, on peut apercevoir les baleines à bosse et les
baleines australes qui passent au large.
Une entracte dans la civilisation, dans la petite station balnéaire de
Angusta et ses 2000 habitants et on repart s'enfoncer dans la nature encore
vierge de l'Australie de l'Ouest. On traverse tout d'abord une région
quadrillée de champs. La fin de la journée approche et les kangourous sont au
rendez-vous. Il ne doit pas y avoir souvent du monde qui passe, c'est pourquoi
ils se redressent comme un seul homme à notre passage : qui à l'audace de les
importuner en plein repas !
Nous replongeons ensuite dans la nature et ses pistes de sable désertes. Ce
soir nous bivouaquons à Black Point dans un camp aménagé par les rangers. Il
faut être autonome pour venir ici mais le bois et fournis et des toilettes
écologiques sont installées. Bien représentatifs de la mentalité de la
région le système de paiement : un distributeur d'enveloppes est à votre
disposition avec un formulaire. Vous déclarez le nombre de personnes et de
nuits que vous compter passer, puis vous mettez le montant correspondant dans
l'enveloppe, le tout dans un tronc dédié à cet effet. Je n'ose même pas
imaginer un système semblable en France. Après être parti à la poursuite
d'un voisin kangourou qui finalement n'a pas voulu faire connaissance avec nous,
nous nous installons pour passer la soirée sous la voûte céleste
australienne, notre première nuit en pleine nature.
Jeudi 16 septembre
Nous sommes au coeur du parc national d'Entrecastaux, encore un nom à
consonnance française. C'est peut être aussi pour ça qu'on se sent comme chez
nous ici. La piste longe la côte et part de temps en temps rejoindre le rivage.
C'est un parc pour les amateurs de nature et les amateurs de pêche qui sont
légion dans le pays. Cette partie est uniquement accessible aux 4*4 et on
comprend facilement pourquoi avec tout ce sable. Les paysages sont peints à
partir de trois couleurs : le vert foncé de la végétation mélange de bush et
d'arbustes, le blanc doré du sable des pistes et le bleu du ciel et de la
mer.
A certains endroits, la végétation change radicalement, avec une explosion
de ce qu'on a baptisé des "chevelus" accompagnés de fleurs
printanières principalement jaunes ou violettes.
On s'ensable de plus en plus et certains passages sont limite plantage. On
enchaine les montées raides et ensablées et les descentes de ce qu'on pense
être des dunes boisées. Totoy peine dans les énormes marches de sable à
franchir et on l'encourage de toutes nos forces. Comme d'habitude, il vient à
bout de toutes les difficultés et on est plutôt content d'arriver au
croisement vers le lac Jasper où les conditions sont censées s'améliorer.
Nous sommes bien étonnés par la suite lorsque du haut d'une colline, on découvre une
voiture classique complètement plantée dans la descente, dans notre direction.
Autant vous dire que les deux gars, accompagnés de leurs bambins et d'un chiot
tout fou, sont heureux de tomber sur nous. On les tire de leur mauvais pas
avec une sangle, toujours en train de se demander comment ils ont pu arriver
jusque là. Quand ils apprennent qu'on arrive de Black Point, ils nous demandent
comment est la piste, si on pense qu'ils peuvent arriver jusque là bas et si on
a croisé d'autres voitures. On ne les dissuade pas mais on les mets bien en
garde, bien que dans l'autre sens, les pentes sont moins raides. Apparemment, en
tant que pêcheurs amateurs de langoustes, ils n'en sont pas à leur coup
d'essai.
Le lac, entouré de plages au sable blanc plus étincelant que jamais,
bordés de joncs est le cadre idéal pour une jolie pause pique-nique.
Nous retrouvons la route un peu plus loin et en s'éloignant de la côte,
pénétrons dans un épais manteau forestier. La highway traverse une immense
forêt d'arbres géants : les karris. C'est impressionnant comme leur tronc,
droit comme un i, s'élève vers le ciel à une hauteur démentielle. On est
perdu dans cet océan de troncs à perte de vue qui obscurcit l'horizon. C'est
la région de Walpole-Nornalup partagée entre forêts géantes et littoral
sauvage à la côte déchiquetée. La bourgade de Walpole où nous passons la
nuit en est la parfaite illustration, coincée entre criques et presqu'iles
escarpées.
L'eau et la terre ne cessent de se mélanger et c'est l'endroit idéal pour
tous les amoureux des activités nautiques qui souhaitent retrouver une nature
préservée.
Vendredi 17 Septembre
Un footing autour de la presqu'ile est l'occasion parfaite pour admirer les
paysages à l'état brut. Seule une bande de kangourous qui détalent sous nos
yeux troublent la quiétude des lieux. Nous continuons l'exploration des
environs en empruntant des pistes qui s'enfoncent encore plus dans la forêt.
Nous atteignons le point final de l'expédition en rejoignant la vallée des
Géants un lieu très particulier. Quatre espèces rares d'eucalyptus se
retrouvent ici et nulle part ailleurs dans le monde. Les arbres sont tous plus
grands les uns que les autres, certains peuvant atteindre plus de soixante-dix
mètres de haut. Pour gagner une telle hauteur, ils s'ancrent à la terre ferme
grâce à la base de leur tronc qui est toute aussi immense et qui se creuse
petit à petit à force de subir les assauts de champignons, virus et bestioles
en tout genre. Du coup, ils se transforment en abri, cabane et même
garage.
Le moment le plus impressionnant est sans aucun doute celui où on peut
approcher de près ces géants. Grâce à des passerelles accrochées à la
canopée on peut se mettre à la hauteur de ces fabuleux karris et avoir des
vues plongeantes sur le plancher des vaches. Avec mon vertige, c'est une vraie
partie de plaisir que d'arpenter ces plates-formes suspendues dans le vide ! Je
ne lâche pas les rambardes d'un pouce mais évoluer au coeur même de la forêt
est une sensation rare et extraordinaire surtout quand on peut en plus voir son
extension jusqu'à l'horizon.
On poursuit plus à l'Est jusqu'à Albany et sa côte particulièrement
déchiquetée qui offre un spectacle époustouflant, particulièrement au niveau
de Frenchman Bay et de Salmon Beach. Les falaises découpées surplombent une
mer aux vagues déchainées par moment. Le ciel tourmenté nous laisse quand
même profiter de beaux jeux d'ombre et de lumière.
Pour mieux se rendre compte de la puissance des éléments, rien de tel que
de descendre jusqu'au trou du souffleur. On descend le long d'un sentier
agréable qui nous laisse embrasser une vue imprenable sur la mer puis on marche
sur des plaques rocheuses au dessus de l'eau. Tout à coup, dans un vacarme
assourdissant, une vague claque par en dessous tandis que sous la pression, un
rideau de vapeur jaillit par une anfractuosité du sol. On a l'impression que
tout va exploser sous ses pieds et qu'on va se perdre au milieu des vagues en un
claquement de doigts. Et encore, aujourd'hui, la mer est calme !
Samedi 18 Septembre
Le soleil a décidé de nous accompagner dans notre visite de la côte. En
contournant la majestueuse baie de King George Sound on espère apercevoir des
baleines australes mais elle ne sont pas au rendez-vous. Quelques décennies
auparavant, la chasse à la baleine représentait une activité très importante
à Albany, promouvant cette ville au rang de principal centre économique de la
région. Fort heureusement, c'est pour l'observation de ces merveilleux
cétacés que l'on vient ici maintenant. Et aussi bien sûr pour la pêche,
véritable institution nationale ici. Les poissons sont à l'image du pays,
énormes. Sur les ports ou les jetées, ils se passent toujours quelque chose.
Comme ici à Emu Point où tout le monde assiste à la découpe d'un superbe
spécimen des fonds marins..
Nous retournons à la côte des baleiniers pour déjeuner. On ne se lasse pas
d'admirer le spectacle surtout quand le soleil est au zénith et bien sûr, on espère
toujours apercevoir une baleine avant de quitter le rivage. Peine perdue, nous repartons bredouilles par l'intérieur des terres pour
rejoindre Perth.
Nous roulons d'interminables kilomètres à travers la
campagne monotone parfois interrompue par des champs explosés de fleurs qui
viennent interrompre la lassitude d'un tel trajet.
A la fin de la journée, nous atterrissons dans un bled perdu sans charme
particulier. Ici, c'est la patrie de la laine de moutons. Mais la municipalité a
quand même prévu un camp de repos qui est le bienvenu dans ce désert
touristique.
Dimanche 19 Septembre
Il pleut de nouveau, l'accalmie a été de courte durée. Nous traversons
encore de vastes étendues agricoles. L'omniprésence de silos à grains ne
trompe pas. Cultures et élevages de moutons se partagent les ressources. De
minuscules villages ou plutôt lieux-dits se succèdent souvent réduits à leur plus simple expression
: la station-service qui fait aussi office de bar, take-away, épicerie et
dépôt de journaux.
La région de York contraste agréablement avec les alentours précédents.
C'est une région historique de peuplement : la toute première bourgade de l'arrière pays d'Australie Occidentale.
La rue principale bordée de nombreux édifices du 19ième siècle est un
témoignage vivant de cette époque. La charmante cité nichée au coeur de
l'Avon Valley attire beaucoup de monde et l'animation ne manque pas.
Après avoir flâné dans les rues de la ville et la visite du musée
automobile, il est temps pour nous de retourner à Freemantle puis Perth avant
de remonter vers le nord.
Au moment de repartir de Freemantle où nous avons
fait quelques courses, on découvre sur le parking un fourgon avec une plaque
d'immatriculation allemande et une autre australienne. Intrigués par ce
spécimen, nous nous attardons sur les lieux quand le propriétaire arrive.
C'est un allemand en voyage qui s'est finalement installé ici. Il est pressé
car il travaille mais nous avons quand même le temps de discuter. Il nous
délivre quelques précieux conseils et nous fait comprendre le système
d'assurance local. Nous ne sommes pas en règle et pour éviter tout problème,
nous décidons de rester le temps de régler une fois pour toute ce problème.
Lundi 20 septembre
Au camping de Perth, un couple de belges qui finit ses vacances fait le
ménage de son 4x4 de location et nous donne ses provisions restantes. Ils ont fait une
partie de notre itinéraire mais en sens inverse : Darwin - Perth et sont
enchantés de leur périple. La journée commence bien et en plus le soleil est
de sortie. Avant de pouvoir en profiter, nous devons en terminer avec notre
histoire d'assurance. En fait, dans l'état de l'Australie de l'Ouest,
l'assurance des personnes pour un véhicule se fait par l'organisme d'état, en
faisant le contrôle technique de la voiture. Ce que nous avions contracté
jusqu'à présent ne couvre que les dégâts matériels ! On est un peu anxieux
à l'idée de se faire de nouveau inspecter la voiture. Finalement, à part une
histoire de phares pour la conduite à gauche, tout leur convient et on repart
assez rapidement avec notre assurance des personnes au tiers.
On a droit à une superbe journée et pour en profiter au maximum, David
décide de faire un parcours de golf. Je l'accompagne la première partie
profitant du soleil et du cadre verdoyant pour s'aèrer la tête puis
je retourne à la voiture pour travailler.
Demain, nous quitterons définitivement Perth. On a du mal à se faire à
cette idée tellement on se plait ici. Mais l'Australie est vaste et on a hâte
de continuer à la découvrir.
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